Zoom sur le livre "Les émotions des animaux"

25 juillet 2019

Publié en 2007, Les émotions des animaux est un livre de Marc Bekoff, spécialiste du comportement animal. Bien que cet ouvrage ne soit plus très récent, il n’en reste pas moins enrichissant pour peu que l’on aime les animaux ou que l’on s’intéresse simplement à ce qu’ils peuvent ou non ressentir.

Dans Les émotions des animaux, Marc Bekoff démontre de manière scientifique et empirique que les animaux ont des émotions et qu’ils ne réagissent pas simplement à des stimuli, par conditionnement ou par instinct de survie. Il nous parle des émotions complexes dont ils peuvent faire preuve, comme la compassion ou l’empathie et étaye ses propos avec des anecdotes très convaincantes. En tant qu’amoureux des animaux, vous êtes sans doute déjà convaincu qu’ils sont capables de ressentir une multitudes d’émotions et vous vous demandez peut être pourquoi soulever une question dont la réponse vous paraît si évidente. Le but de cette démonstration est de changer le regard qu’encore trop d’humains portent sur les animaux, de les convaincre que ces derniers nous ressemblent plus qu’ils ne pourraient le croire et que par conséquent, ils méritent d’être traités avec respect et bienveillance : « Nous les humains, pouvons agir à notre gré sur le monde avec une force considérable. Tous les jours, nous étouffons la sensibilité d'un nombre incalculable d’animaux. Pourtant nous savons que nous ne sommes pas les seules créatures sensibles douées de sentiments, et cette certitude va de pair avec la responsabilité et l’obligation de traiter les autres êtres avec respect, compréhension, compassion et amour. » (p 23)

Le livre s’ouvre sur l’avant-propos rédigé par Jane Goodall, éthologue et anthropologue britannique. Elle met le doigt sur la raison pour laquelle beaucoup de personnes continuent d’affirmer que les animaux ne ressentent pas d’émotions : « Nous ne sommes certainement pas les seuls animaux à connaître la douleur et la peine. En d’autres termes, aucune frontière nette ne sépare l’espèce humaine du reste du règne animal. Cette frontière est floue et l’est toujours davantage. Et pourtant, malheureusement, un nombre incalculable de personnes (tant chez les scientifiques que chez les profanes) persistent à croire que les animaux ne sont que des objets mus par leurs réactions aux stimuli environnementaux. Mais ces gens, trop souvent, restent sourds consciemment ou inconsciemment, à toutes les tentatives que nous faisons pour les inciter à changer d’avis. Après tout, il est plus facile de faire subir des choses désagréables à des objets insensibles - de les soumettre à des expériences douloureuses, de les élever de façon intensive dans des fermes industrielles, de les chasser, de les piéger, de les manger et de les exploiter d’une manière ou d’une autre - que de faire subir ce genre de traitement à des êtres intelligents et sensibles. » (p 12 et 13)

À plusieurs reprises, Marc Bekoff s’étonne de la facilité avec laquelle certaines personnes font la distinction entre les animaux de compagnie que l’on accueille dans nos foyers et les autres animaux destinés à la consommation, à l’expérimentation ou au divertissement : « Les animaux ne sont pas seulement ceux avec lesquels nous vivons, objets de nos soins et de notre affection. Il y a aussi les milliards d'animaux domestiqués, vivant dans les fermes, des abattoirs, nous fournissant nourriture et vêtements. Quant aux animaux sauvages, ils luttent en permanence pour tenter de partager avec nous un monde de plus en plus peuplé. […] Nous devons nous demander pourquoi nous ne ferions pas subir à nos animaux de compagnie le traitement que nous infligeons tous les jours aux souris, aux rats, aux singes, aux cochons, aux vaches, aux éléphants, aux chimpanzés, voire à des chiens et des chats qui ne partagent pas notre vie. […] Notre relation avec les animaux est complexe, et notre façon de les traiter change souvent radicalement selon le contexte. Beaucoup de gens font preuve d’amour et de dévouement pour leurs animaux familiers. Mais sans l’avoir vraiment prémédité, sans se poser de questions ou le regretter, ils peuvent tout aussi bien maltraiter ouvertement les animaux dans des cadres différents. C’est particulièrement vrai des scientifiques ; il suffit de voir l’attitude qu’ils adoptent envers les animaux qu’ils laissent chez eux et ceux qu’ils gardent dans leur laboratoire. Lorsque des scientifiques me disent qu’ils aiment les animaux et qu’ils les font ensuite souffrir intentionnellement (directement ou indirectement), le leur réponds « Quelle chance que vous ne m’aimiez pas! ». Malheureusement, la relation entre les hommes et les animaux a toujours été fortement déséquilibrée, et elle l’est encore. Les intérêts humains l’emportent presque toujours sur ceux des animaux. » (p 22, 23, 58 et 59)

C’est dans ce sens qu’il invite les autres scientifiques a changer leurs méthodes de recherches, afin de cesser de faire souffrir (souvent inutilement) des êtres sensibles qui méritent tout autant notre sollicitude que nos animaux de compagnie : « Respecter, protéger et aimer les animaux ne compromettrait pas la science. Cela ne veut pas dire non plus que les hommes seraient moins respectés, moins protégés et moins aimés » (p 61)

Il évoque également les méfaits de la destruction des habitats des animaux sauvages et de la chasse : « Des animaux habitués à évoluer sur des centaines de kilomètres se heurtent à [des] limites. Ils sont donc obligés d’empiéter sur notre civilisation et cela nous déplaît : les cerfs saccagent nos jardins, les prédateurs tuent nos moutons et nous les tuons à notre tour pour protéger ce que nous avons construit. […] Nous devons prendre en compte, autant que possible, le milieu naturel et les mœurs des animaux sauvages afin d’apaiser des conflits désagréables et onéreux pour nous, et mortels pour eux. […] Ce n’est pas à nous de pourchasser et de tuer les animaux sauvages : les proies appartiennent plutôt aux prédateurs avec lesquels elles ont évolué. […] Quels que soient les avantages à court terme que l’on peut en tirer, l’élimination des animaux sauvages n’en présente aucun à long terme. Tuer n’est pas difficile, mais ce n’est pas une solution durable. […] On peut tout à fait vivre dans une coexistence paisible sans avoir à éliminer l’autre camp. » (p 257, 258 et 256)

Bien qu’il n’utilise jamais le terme d’anti-spécisme, il se positionne comme tel en affirmant que les humains ne sont pas supérieurs aux autres animaux et que ce n’est pas parce qu’ils sont différents de nous que leur vie a moins de valeur : «  Qu’avons-nous de spécial ? Pourquoi serions-nous des animaux dotés d’émotions plus profondes que les autres ? Vu l’état actuel du monde, j’ai du mal à accepter que l’on puisse faire de nous le critère de toute comparaison avec les autres animaux. » (p 59)

Il met également en avant tous les bienfaits que nous apportent les animaux, qu’il s’agisse des chiens qui nous aide à lutter contre la dépression, l’isolement et les problèmes cardiaques ou encore d’animaux sauvages qui ont sauvé des vies humaines par pure bonté d’âme, alors qu’ils n’avaient rien à y gagner : «Nous avons besoin des animaux comme de l’air que l’on respire. Nous vivons dans un monde blessé, souvent coupés des animaux et de la nature. Les animaux sont de parfaits compagnons qui nous aident au fil des jours. » (p 62 et 63)

Le livre se termine sur une note optimiste : Marc Bekoff est convaincu qu’un monde où humains et animaux vivraient en harmonie est possible ; un monde dans lequel les animaux seraient considérés comme nos égaux et non comme des denrées ou des outils.

En bref c'est un livre rempli d'anecdotes émouvantes, amusantes et tristes. Il nous apprend à mieux comprendre les émotions des animaux, mais nous interroge aussi sur notre relation à eux et sur ce que nous pouvons faire pour coexister de manière pacifique.

 

Texte rédigé par Mimines & Pattounes

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